Touchée comme de nombreux secteurs par la crise du Covid-19, la psychiatrie privée relève une baisse d'activité d'hospitalisation mais continue à assurer ses missions à distance. Elle s'inquiète en outre d'un possible surcroît d'activité ultérieure.Si elle n'est pas à proprement parler en première ligne dans la gestion de crise du Covid-19, la psychiatrie privée a vu son activité profondément transformée par les mesures de confinement. Plus de téléconsultation, moins voire absence d'hospitalisation de jour, un cadre modifié d'activités de groupe, le secteur s'est réorganisé. En matière de volume, "
il y a une baisse nette d'environ 20% en hospitalisations complètes, qui peut atteindre jusqu'à 80% dans certains établissements", explique à
Hospimedia David Castillo, délégué général de la FHP-Psy. Cela s'explique par plusieurs phénomènes, par exemple dans le groupe de Ramsay Santé, "
dès le début nous nous sommes interrogés au cas par cas sur la balance bénéfices-risques de maintenir l'hospitalisation de chaque patient", raconte Philippe Soulié, directeur des exploitations de la santé mentale, à
Hospimedia. "
Nous avons donc eu un certain nombre de sorties avec un suivi différent." Autre exemple, dans les établissements du groupe Orpéa-Clinéa, une baisse mécanique a également été notée due à l'arrêt des hospitalisations en chambre double.
Jeu économique bouleversé
Cette baisse d'activité n'est pas sans inquiéter les acteurs : "
il y a actuellement des discussions autour d'un arrêté de garantie de financement, c'est très bien mais quel sera son périmètre ?", confie David Castillo. En outre, "
nous avons à l'heure actuelle une avance de trésorerie qui permet de maintenir en premier lieu les ressources des établissements les plus impactés néanmoins il y a de nombreux éléments qui ne seront pas couverts par la garantie de financement qui peuvent nous inquiéter, notamment toutes les facturations à l'assurance maladie complémentaire, les forfaits journaliers..." Les incertitudes sont d'autant plus grandes que la psychiatrie fait l'objet d'un projet de réforme de financement (lire notre
article). Les acteurs naviguent donc à vue : "
il y a une partie de notre chiffre d'affaires qui est fait sur la vente des chambres particulières mais nous avons peur du retour sur la prise en charge des mutuelles qui se démobilisent. Aujourd'hui, nous n'avons aucune visibilité sur ce sujet", déplore Geoffrey Roubehie, directeur des opérations pour le groupe Orpéa-Clinéa. "
Nous avions aussi des établissements en cours d'ouverture et nous doutons sur notre capacité à ouvrir du fait de retards dans les travaux, du déplacement dans le temps des autorisations. Cela bouleverse complètement le jeu économique tel que nous l'avions prévu pour l'année 2020."
Un regain d'activité
Néanmoins, l'activité semble reprendre : "
nous sentons un frémissement sur les entrées", décrit Philippe Soulié. Ce qui peut être une nouvelle positive pour les finances des établissements mais qui, en santé mentale, dénote tout de même d'une situation compliquée. Par exemple en addictologie, "
nous pressentons des demandes supplémentaires", affirme le directeur des exploitations. "
Nous avons des remontées sporadiques de décompensations, de cas dramatiques et d'une augmentation des tentatives de suicide", insiste David Castillo. "
Nous craignons aussi pour les "perdus de vue", nous ne savons pas dans quel état nous allons les trouver. C'est notamment pour cela que nous avons développé les équipes mobiles." Pour Vincent Masetti, médecin coordonnateur national de Clinéa, interrogé par
Hospimedia, "
à l'heure actuelle, nous sommes un peu dans une parenthèse dorée car il y a une forte cohésion autour du Covid-19. Mais nous redoutons que les patients soient plus envahis par leurs troubles une fois le "masque social" du Covid-19 passé." À ces patients, risquent de s'ajouter certains professionnels : "
nous nous attendons à devoir prendre en charge certains de nos soignants", confirme Philippe Soulié. C'est pourquoi le secteur réfléchit dès à présent à des solutions."
Nous travaillons à la prévention des risques psychosociaux pour nous soignants, nous pensons des plateformes voire des formations", décrit Vincent Masetti.
De bonnes nouvelles
Quoiqu'il advienne de la baisse des revenus ou de la hausse des activités, il est certain que cette crise sanitaire laissera une empreinte profonde dans le secteur privé de la psychiatrie avec des belles initiatives. "
Il y a une vraie agilité et solidarité sur le terrain avec des retours très bien acceptés par les établissements publics", s'enthousiasme David Castillo. "
Si nous allons pouvoir progressivement remettre du contact humain, nous savons pertinemment que l'idée ne sera pas de faire des prises en charge avec quinze personnes. Cependant, la crise nous a obligés à développer d'autres prises en charge moins basées sur le présentiel, qui peuvent être plus faciles à gérer pour le patient qui n'a pas à se déplacer. Il va falloir valoriser ces activités-là." Ainsi, si la psychiatrie n'est certes pas en première ligne du Covid-19, les effets de la pandémie pourraient bien laisser des traces indélébiles sur l'organisation des soins.