La mission des journalistes d'HOSPIMEDIA est d'analyser et de vérifier les informations des secteurs sanitaire et médico-social. Notre rédaction vous garantit ainsi des contenus fiables et exclusifs.
En savoir plus sur notre traitement de l'information.

Articles


Insertion

Un PLF 2018 "en trompe-l'œil" mène les entreprises adaptées à la faillite selon l'Unea

Employant au moins 80% de salariés handicapés, les entreprises adaptées représentent 35 000 personnes. L'Union nationale des entreprises adaptées alerte depuis dix jours les parlementaires sur un projet de loi de finances 2018 qui augmenterait le nombre d'aides mais diminuerait leur montant. 20% d'entreprises risquent la faillite, estime-t-elle."Nous vivons une situation d'urgence pour le secteur", attaque Stéphane Foisy. Depuis mai 2016, ce patron de 47 ans préside l'Union nationale des entreprises adaptées (Unea), c'est-à-dire des sociétés à vocation économique et sociale qui emploient a minima 80% de travailleurs en situation de handicap.

Alors que la présentation initiale du projet de loi de finances (PLF) 2018 "n'inquiétait pas outre mesure" l'Unea, son attention a été portée "par l'administration, qui a joué le jeu" sur l'interprétation qu'il fallait faire du texte. Car si le dossier de presse du PLF précisait que "le soutien au secteur des entreprises adaptées pour les travailleurs handicapés est augmenté, avec +1 000 aides au poste financées en 2018", il n'indiquait pas que le montant de chacune de ces aides au poste diminuerait de 4% à compter du 1er juillet 2018. Soit 8 millions d'euros (M€) en moins alloués au financement de cette "compensation versée à l'entreprise adaptée afin de pouvoir rémunérer au salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) son collaborateur handicapé malgré sa moindre productivité", explique l'Unea à l'occasion d'une conférence de presse ce 26 octobre.

Une étude attentive du PLF a également permis à cette fédération d'employeurs sociaux d'évaluer à 22%, soit 9,37 M€, la baisse des subventions spécifiques (à l'accompagnement socioprofessionnelle, à la formation...) allouées aux entreprises du secteur à partir du 1er janvier 2018. Au total, ce sont près de 20 M€ en moins que percevront les entreprises adaptées. "Près de 25% [d'entre elles] ont déjà des comptes négatifs. Cette baisse des dotations va amener 20% d'entreprises supplémentaires à avoir des bilans négatifs. En clair, il y aura des faillites", alerte Stéphane Foisy.

Engagements non tenus selon l'Unea

Pour Stéphane Foisy, pas de doute, "il y a un décalage entre le projet de loi de finances et les déclarations du candidat Emmanuel Macron en campagne, lorsqu'il citait l'entreprise adaptée comme un modèle de système vertueux." La désillusion est d'autant plus grande que le ministère de l'Emploi, alors incarné par Myriam El Khomri, avait signé le 9 mars avec les acteurs de l'inclusion professionnelle dont l'Unea, un "contrat de développement responsable et performant du secteur adapté" pour la période 2017-2021. Par ce texte, l'État s'engageait à "assurer le financement de 5 000 aides au poste supplémentaires pendant cinq ans pour atteindre l'objectif de 27 536". Le PLF 2018 va certes dans le sens d'une augmentation du nombre d'aides mais l'Unea n'avait pas anticipé que leurs montants respectifs diminueraient. "La mariée n'est finalement pas aussi belle que ce qu'on nous avait présenté", grince Stéphane Foisy.

Pour l'entrepreneur, ce budget "en trompe-l'oeil" relève soit de l'incompréhension de la part "de gens qui ne savent pas toujours comment ça fonctionne" soit d'un "scandale" lié à la "recherche d'économies par Bercy". Alors, depuis le 18 octobre l'Unea alerte les parlementaires : "nous en avons contacté 350 mais pour une très grande majorité ils ne nous ont pas répondu. Quant aux députés de La République en marche, on peut ressentir de leur part une attente de consignes." Un rendez-vous a certes été programmé le 8 novembre avec la secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées mais il sera alors trop tard pour faire amender le texte, qui sera examiné le lendemain par les parlementaires. Le 24 octobre, le Gouvernement indiquait encore vouloir faire du handicap "une priorité pour le quinquennat." Il missionnait Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées pour "trouver des pistes d'amélioration permettant de faciliter l’embauche et le maintien en emploi des personnes en situation de handicap" (lire notre article). En mettant en danger "1 800 postes au niveau national", selon l'Unea, ce même Gouvernement adresse désormais des signes paradoxaux aux acteurs de l'inclusion, et ce à quelques jours de la vingtième semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées, qui se tiendra du 13 au 19 novembre.

L'Entreprise adaptée en chiffres

D'après les données de l'Union nationale des entreprises adaptées, le secteur représente :
  • 780 entreprises adaptées en France ;
  • 1,4 milliard d'euros de chiffre d'affaires ;
  • 33 000 salariés dont 26 000 en situation de handicap ;
  • 91% de contrat à durée indéterminée ;
  • 75% de travailleurs handicapés sans formation ;
  • 42 salariés par entreprise en moyenne ;
  • 11 329 euros (€) de "gain social" par salarié en entreprise adaptée (1 416 € de revenus pour la collectivité et 9 913 € économisés en allocation aux adultes handicapés, allocation d'aide au retour à l'emploi, revenu de solidarité active et allocation de solidarité spécifique (AAH, ARE, RSA et ASS)).

Quentin Pourbaix

Renseignez votre e-mail pour profiter d'un accès gratuit pendant 7 jours :


À la une

À la une

Gestion des risques — La résistance aux antibiotiques tend à remonter à l'hôpital et en Ehpad

Lire l'article

Gestion des risques — La boîte noire a pollué le débat sur l'enregistrement au bloc mais des essais s'engagent

Lire l'article

Qualité — Les professionnels doivent savoir repérer les signes de douleur des personnes autistes

Lire l'article

HOSPIMEDIA,
l'information indispensable aux décideurs de la santé

  • Une édition envoyée chaque matin par email avec l'essentiel de l'actualité
  • La couverture complète du sanitaire et du médico-social sur toute la France
  • L'indépendance journalistique, garantie sans publicité