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Les cliniques assurent être désormais pleinement sollicitées aux côtés des hôpitaux

Des cliniques vides, se désespérant d'accueillir des patients et voyant des hôpitaux débordés. Ce descriptif, dénoncé il y a quelques jours par le privé, est désormais erroné : près de 600 patients y sont en réanimation pour cause de coronavirus.Pleinement mobilisées les cliniques dans la lutte actuelle contre la propagation du coronavirus ? Il y a quelques jours encore, la FHP déplorait ouvertement un manque d'appel au privé de la part des ARS et une sous-utilisation des établissements. Résultat : nombre d'entre eux se retrouvaient totalement vides de patients, arrêt du programmé oblige (lire notre interview). Cette lecture de la situation seraient désormais datée.

"Pas de place pour les jérémiades"

Ce 31 mars par communiqué, la fédération hospitalière affirme en effet que "les différents acteurs travaillent désormais main dans la main après avoir su mettre en place une action coordonnée et efficace sous l'égide des ARS. [...] Public, privé, associatif, médecins libéraux, avec tous les soignants, nous unissons nos forces à chaque instant [...]. Toute autre attitude serait irresponsable et incompréhensible." Ainsi, les cliniques prennent-elles à ce jour en charge en réanimation près de 600 patients atteints du Covid-19 et plus de 2 000 en médecine, liste la FHP. "Les professionnels de santé, hospitaliers ou de cliniques, agissent main dans la main. Pas de place pour les jérémiades et les polémiques. Personne ne manque de travail face à l'urgence", acquiesce via les réseaux sociaux le président de la FHF, Frédéric Valletoux.

Au 30 mars, Ramsay Santé recensait dans ses murs 259 patients en réanimation pour du Covid-19 et plus de 700 autres malades liés au coronavirus en médecine.
Au 30 mars, Ramsay Santé recensait dans ses murs 259 patients en réanimation pour du Covid-19 et plus de 700 autres malades liés au coronavirus en médecine.

Plus de 950 patients chez Ramsay Santé

L'un des exemples le plus parlant vient du premier groupe d'hospitalisation privée d'Europe : Ramsay Santé. Carte à l'appui (voir ci-dessus), il dénombre ce 31 mars plus de 950 patients pris en charge, dont plus de 250 en réanimation, et ceci dans près de 40 hôpitaux et cliniques à travers l'Hexagone. Par ailleurs, ses 133 établissements concentrent dorénavant plus de 1 200 lits de médecine, de réanimation et d'unités de soins critiques fléchés Covid-19. Depuis le passage au niveau 2 du plan blanc le 14 mars, 45 000 opérations ont été déprogrammées. Sur le terrain, "les équipes ont ensuite réorganisé les établissements pour créer des zones Covid-19 et augmentent sans cesse les capacités d'accueil en réanimation, voire en créant des services de réanimation ex nihilo", souligne Ramsay Santé.

Cette augmentation capacitaire est permise par l'utilisation des respirateurs des blocs opératoires fermés : soit au sein d'un même établissement, comme par exemple à l'Hôpital privé Paul-d'Égine à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) ; soit entre plusieurs structures, avec l'envoi de respirateurs des établissements de troisième ligne vers ceux en deuxième ligne qui en ont le plus besoin. Au final, "l'implication des équipes est totale", au premier rang desquelles celles des établissements placés en deuxième ligne par les ARS, comme c'est le cas en Île-de-France. Quant aux structures de troisième ligne, elles "ont vocation, à ce jour, à accueillir les urgences médicales et chirurgicales des patients non infectés et à accueillir des patients des hôpitaux de la région placés en première ou deuxième ligne, libérant ainsi de la place pour leur permettre d'augmenter leurs capacités d'accueil".

À noter e
nfin que le 30 mars, près de 50 volontaires infirmiers et médecins anesthésistes des pôles Ramsay Santé du Havre (Seine-Maritime), de Loire et Drôme, d'Aquitaine et de Bresse-Savoie sont venus épauler leurs collègues franciliens.


Volontariat interrégion chez Vivalto Santé

Chez Vivalto Santé, là aussi 23 professionnels bretons sont partis le 28 mars soutenir la région parisienne. Des infirmiers spécialisés en réanimation, en services de soins, des infirmiers de blocs, des aides-soignants, un préparateur en pharmacie... sans oublier une douzaine de médecins anesthésistes. Tous ont "accepté de quitter leur établissement et leur famille" pour aider leurs collègues du CH privé Sainte-Marie d'Osny (Val-d'Oise), de celui de l'Europe à Port-Marly (Yvelines), ainsi que la Clinique du Val-d'Or à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), "déjà très impliqués depuis quinze jours pour accueillir des patients Covid-19 ou venir en soutien aux hôpitaux publics en accueillant des patients qui ne sont plus en capacité de soigner faute de place", relate Vivalto Santé dans un communiqué.

Au final, ajoute le groupe privé, "
certains infirmiers de blocs verront leur mission changer puisqu'ils seront pendant le temps de cette mobilisation aide-soignant en réanimation ; d'autres ont accepté de prendre des postes de nuit car ce sont des postes difficiles à pourvoir, soit en réanimation ou bien dans des unités de médecine Covid-19." En somme, il s'agit là d'"une adaptation permanente des organisations", qui se double d'un important dispositif logistique pour acheminer ces volontaires et leur trouver un hébergement. Une cellule mobilité a d'ailleurs été mise en place dans l'urgence.


Déconcentrer le maillage en soins critiques

Près de Rennes (Ille-et-Vilaine), le CH privé Saint-Grégoire, qui truste depuis près de dix ans la première place côté privé du palmarès du Point, a sollicité l'ARS pour obtenir une dérogation et ouvrir 4 lits de réanimation, ainsi que 3 autres sur le site de Cesson-Sévigné. Faute de réanimation, il reste positionné en délestage du CHU, soit pour absorber son surplus d'activité courante, soit pour recevoir des patients Covid-19 au sein de ses 50 lits de médecine non ventilés ou de ses 10 à 16 lits de surveillance continue médicale. À l'instar des trois établissements franciliens précités, l'aval de l'ARS permettrait de proposer de la réanimation à proprement parler, avec possibilité de pousser cette capacité à 15 voire 20 lits, glisse à Hospimedia, son directeur général, Ronan Dubois. Dans l'attente, faute d'activité, les soignants ont bénéficié d'une remise à niveau sur les règles d'hygiène, d'habillage-déshabillage, de soins intensifs, de préparation à la réanimation, de trachéotomie, des gestes d'urgences générales, etc. Autant de formations compliquées à suivre d'ordinaire car extrêmement chronophages.

En parallèle cependant, une incitation à poser ses congés a été effectuée et les contrats à durée déterminée (CDD) n'ont pas été renouvelés. Il est vrai que l'activité des urgences a chuté à 10-20 passages par jour (contre 80 à 120 d'habitude) et les opérations sous les 40 (au lieu de 200). Une chose est sûre, son directeur général espère qu'à froid, la crise sanitaire passée, viendra l'heure de rebattre les cartes en matière de gestion du risque. L'objectif serait que dans le contexte de la refonte du régime des autorisations, le système actuel — qui ne positionne en première ligne des plans blancs que les 32 CHU-CHR et les hôpitaux sièges d'un Samu — soit réexaminé pour inclure plus avant le privé. De fait, cela suppose de les autoriser davantage en réanimation. "La situation actuelle n'est pas normale et acceptable, note Ronan Dubois. Les soins critiques ne devaient pas être aussi concentrés. Cela serait l'occasion d'améliorer le maillage territorial."

Des "points noirs" perdurent entre public et privé

"De nombreuses cliniques du privé avec des réanimations opérationnelles attendent depuis dix jours sans patients. Nous avons été formés à l'habillage-déshabillage, au changement des filtres sur patients intubés. Cela me met en colère en qualité d'infirmier en réanimation dans le privé de ne pouvoir venir en aide." Alors que les transferts de patients depuis les régions sous tension s'accélèrent (lire notre article), ce témoignage, reçu le 30 mars à Hospimedia, atteste tout de même que tout n'est pas encore optimal dans le fonctionnement public-privé face au coronavirus.

À Doctegestio par exemple, la pilule passe encore difficilement. Ses neuf cliniques n'évoluent pas tous de la même façon et "deux points noirs" perdurent, a indiqué le groupe privé à Hospimedia. À Provins (Seine-et-Marne), la Clinique Saint-Brice était "toujours vide" au 31 mars mais deux vagues d'une dizaine de patients en SSR se profilent a priori pour désengorger l'hôpital voisin. À Romilly-sur-Seine (Aube) en revanche, "nous attendons désespérément des malades. Nous sommes en train de plonger au niveau financier. C'est un vrai point dur." Et à entendre Doctegestio, "la mauvaise volonté" de l'hôpital ne faciliterait pas l'envoi de patients. Aussi le groupe interpelle-t-il les pouvoirs publics "pour faire revenir à la raison les décideurs sanitaires et mettre fin à cette injustice".

Thomas Quéguiner

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