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Psychiatrie

L'accès aux soins des personnes souffrant de problèmes psychiatriques doit être préservé

La psychiatrie, soutenue par des institutionnels comme le CGLPL, alerte. Elle souhaite que ses patients ne deviennent pas les victimes collatérales du Covid-19. Les établissements s'adaptent quant à eux entre confinement, accès aux soins et prise en charge des patients infectés.
Dossier en 2 parties :
La psychiatrie refuse d'être "le parent pauvre" de la médecine dans le contexte épidémique
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté demande au Gouvernement des mesures d'urgence pour la psychiatrie dans le contexte de crise sanitaire. Déjà, depuis plusieurs jours, les représentants de la discipline ont lancé l'alerte.
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) annonce ce 27 mars avoir saisi le ministre des Solidarités et de la Santé pour lui demander que des mesures soient prises "afin de garantir la protection des patients et des soignants ainsi qu’une prise en charge hospitalière et ambulatoire assurant la continuité des soins psychiatriques, dans le respect des droits des patients", dans le contexte épidémique de Covid-19.

Une situation particulièrement préoccupante

Si elle salue les nombreuses initiatives prises au sein du secteur de la santé mentale (lire la deuxième partie du dossier), Adeline Hazan, CGLPL, estime que les informations en provenance des établissements spécialisés ainsi que des services de psychiatrie des hôpitaux généraux montrent que la situation est particulièrement préoccupante. Le retard observé dans la transmission de consignes nationales a conduit les ARS à donner des indications différentes selon les régions, note-t-elle. "La psychiatrie ne doit pas être une fois encore le parent pauvre de la médecine et les personnes atteintes de troubles mentaux ne doivent pas être moins bien traitées que les autres patients", insiste Adeline Hazan.

La faiblesse des moyens matériels pour faire face à l'épidémie de Covid-19 touche tous les hôpitaux et met cruellement en lumière la situation du secteur psychiatrique, ajoute-t-elle. Pour les ARS, la psychiatrie n'est pas prioritaire dans la distribution du matériel de protection : dans plusieurs régions la répartition des masques, solutions hydroalcooliques et kits de dépistage ne prévoit aucune attribution à la psychiatrie. Adeline Hazan recommande donc que les autorités sanitaires assurent l’approvisionnement des établissements spécialisés en matériels de prévention et de détection pour permettre une prise en charge adaptée et sécurisée.

Cela ne doit pas avoir pour conséquence un accès insuffisant aux services de soins intensifs des hôpitaux généraux pour les patients dont l'état se dégraderait. En pareil cas, un égal accès aux soins somatiques devra leur être garanti avec un transfert en hôpital général.
Adeline Hazan, CGLPL

Par ailleurs, le maintien des mesures de confinement dans la durée posera des difficultés particulières pour la population des personnes suivies en psychiatrie, assure-t-elle. Il convient de les anticiper pour assurer la poursuite des soins dans le respect des droits des patients. Plusieurs recommandations sont formulées en ce sens.

S'agissant de la prise en charge thérapeutique, le maintien, comme il est prévu, dans les établissements spécialisés des patients qui contracteront le Covid-19 doit être coordonné avec les établissements généraux. Ce maintien, insiste Adeline Hazan, nécessite la présence de médecins et de soignants en nombre suffisant pour assurer une prise en charge somatique de qualité. "Cela ne doit pas avoir pour conséquence un accès insuffisant aux services de soins intensifs des hôpitaux généraux pour les patients dont l’état se dégraderait. En pareil cas, un égal accès aux soins somatiques devra leur être garanti avec un transfert en hôpital général, la liaison psychiatrique nécessaire devant éventuellement être renforcée", conclut-elle.

Un écho au conseil scientifique Covid-19

Cette prise de position fait aussi écho à l'avis du conseil scientifique Covid-19, mis en ligne le 24 mars, et qui a souhaité déjà attirer "fortement" l'attention sur la santé psychique et la nécessité d’accompagner les mesures actuelles de prise en charge spécifique notamment pour les personnes isolées ou précaires (lire notre article). "La population est exposée à des risques spécifiques — situation de confinement ou de promiscuité, peur de difficultés d'approvisionnement, forte exposition à des nouvelles anxiogènes, situations potentiellement sidérantes ou traumatiques, deuils. Les personnels soignants et les personnes âgées, vulnérables ou isolées, les personnes en situation de handicap en font partie", explicite le conseil.


Un constat qu'ont aussi dressé les instances qui relayent une situation déjà largement dénoncée au sein de la discipline. À commencer par les organisations syndicales.

Le "révélateur" d'une "crise organisée"

Le 25 mars, dans un courrier adressé à la députée Martine Wonner (LREM, Bas-Rhin), corapporteuse de la mission parlementaire sur la psychiatrie, l'Union syndicale de la psychiatrie (USP) monte au créneau. "Vous nous invitez à vous faire remonter les difficultés rencontrées dans l'exercice des soins psychiatriques. Vous n'êtes cependant pas sans ignorer ces "difficultés" chroniques", interpelle le syndicat. Pour l'USP, cette crise sanitaire agit donc comme "un révélateur aux yeux de tous" et "hélas, comme élément potentialisant pour patients et soignants", de la "crise organisée" que connaît la psychiatrie.

[Il ne faut pas] que les personnes atteintes de troubles mentaux soient les premières victimes indirectes de l'épidémie actuelle, en raison de l'incurie et de la négligence coupable d'un Gouvernement qui a abandonné toute politique de prévention, depuis longtemps sacrifiée sur l'autel de l'austérité.
L'USP

Le syndicat craint dès lors, à l'instar de la situation vécue lors de la Seconde Guerre mondiale, que les personnes atteintes de troubles mentaux soient les premières victimes indirectes de l'épidémie actuelle, "en raison de l'incurie et de la négligence coupable d'un Gouvernement qui a abandonné toute politique de prévention, depuis longtemps sacrifiée sur l'autel de l'austérité", dénonce-t-il. Au-delà de l'épisode actuel, l'USP formule l'exigence que soit "repensée, très globalement" l'organisation des soins psychiatriques sur le territoire afin d'éviter l'émergence d'autres situations "d'urgence" que connaît déjà la psychiatrie depuis plusieurs années.

Un besoin urgent de téléconsultation en ville

Et l'inquiétude se concentre aussi dans le secteur privé et libéral. Dans un communiqué transmis ce 27 mars, l'Association française des psychiatres d'exercice privé-Syndicat national des psychiatres privés (AFPEP-SNPP) mettent l'accent sur la complémentarité ville-hôpital qui permettra de préserver et favoriser l'accès aux soins. L'AFPEP-SNPP rappelle qu'elle a par ailleurs déjà "pris toutes les dispositions pour que ces personnes en souffrance puissent compter sur les psychiatres d'exercice privé." Mais, à son sens, la situation nécessite d'aller encore plus loin. En accord avec l'avis du conseil scientifique Covid-19, elle demande d'urgence un soutien au développement des téléconsultations en psychiatrie et exige par ailleurs une mesure dérogatoire autorisant les téléconsultations par téléphone. "À l'heure où le ministère de la Santé, les ARS et la Cpam demandent au service public de psychiatrie de s'organiser notamment en développant les appels téléphoniques, cette pratique doit pouvoir être reconnue également pour les psychiatres de ville", estime-t-elle.

Une position également adoptée ce 27 mars par Adeline Hazan, qui indique que les entretiens téléphoniques doivent être privilégiés mais sans exclure la possibilité de recevoir les patients les plus perturbés.

Clémence Nayrac et Géraldine Tribault

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