Aide à domicile
Les services autonomie se construisent malgré le flou et les inquiétudes sur le terrain
Sur le terrain, la réforme des services autonomie soulève encore de nombreuses interrogations. Un questionnaire lancé par Hospimedia mi-février met en lumière une sensation de flou ainsi que la très grande inquiétude des Ssiad. Les plus optimistes sont les services mixtes mais pour eux également des questionnements demeurent.Depuis quelques semaines, les fédérations d'aide et de soins à domicile se mobilisent pour l'avenir de la réforme des services autonomie. La création de ces nouvelles structures est suspendue à la décision des parlementaires, après le vote surprise d'un amendement dans le cadre des discussions autour de la loi Bien vieillir. Mi-mars, en commission mixte paritaire, ils devront trancher pour maintenir la réforme telle qu'elle a été votée initialement, apporter des assouplissements ou la rendre tout simplement facultative (lire nos analyses ici et là).
Qu'en est-il sur le terrain ? Services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad), services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) ou services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad)… Des tendances se dessinent selon la typologie des structures. Les leviers ou difficultés sont aussi intrinsèquement liés aux spécificités des territoires et à l'historique des relations entre les acteurs. C'est ce qu'illustrent les résultats d'un questionnaire (1) lancé par Hospimedia auprès de ses lecteurs du 15 au 22 février, qui a recueilli 178 réponses.
"Techniquement, la réforme est impossible", abonde Christophe Blanc, qui déplore des lourdeurs administratives. Sur son territoire pourtant, le schéma est relativement simple puisque le Ssiad travaille depuis vingt ans dans le cadre d'une convention renforcée avec l'ADMR. Les deux acteurs doivent également se regrouper au sein de locaux communs. "Tous les objectifs du cahier des charges peuvent être atteints par d'autres moyens." Il appelle dès lors à des assouplissements pour permettre la constitution de services autonomie via des conventions renforcées. "Le fond du problème est l'obligation d'une entité juridique unique et surtout la fusion des autorisations, explique celui qui est aussi président de l'association des responsables de Ssiad des Pyrénées-Atlantiques. On peut avoir une entité juridique unique via un groupement de coopération sociale et médico-sociale où chacun garde ses autorisations." Il appelle à laisser le libre choix et surtout à faire confiance aux acteurs de terrain.
Reste à savoir ce qui sera porté par les pouvoirs publics et finalement voté par le Parlement. Sur le terrain comme au niveau national, chacun tente de faire bouger les lignes.
Qu'en est-il sur le terrain ? Services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad), services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) ou services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad)… Des tendances se dessinent selon la typologie des structures. Les leviers ou difficultés sont aussi intrinsèquement liés aux spécificités des territoires et à l'historique des relations entre les acteurs. C'est ce qu'illustrent les résultats d'un questionnaire (1) lancé par Hospimedia auprès de ses lecteurs du 15 au 22 février, qui a recueilli 178 réponses.
Grande inquiétude des Ssiad
La forte mobilisation des Ssiad montre leur inquiétude face à la transformation du secteur mais aussi face à une inégalité de traitement. Contrairement aux Saad, les services de soins n'ont pas le choix que de se transformer en services autonomie mixtes. Il en va du maintien de leur autorisation. La mise en œuvre de la réforme est encore récente, presque huit mois, et il ressort des réponses recueillies de nombreuses interrogations une sensation de flou qui persiste. Agences régionales de santé et conseils départementaux n'apportent pas tous le même soutien et les acteurs se sentent parfois livrés à eux-mêmes. Pour certains toutefois, le rapprochement se passe bien, avec des territoires homogènes ou liens historiques.Cette réforme tombe en même temps que la réforme tarifaire, il est compliqué de tout gérer. Les informations concernant ce service autonomie sont également assez floues et contradictoires. Nous faisons au mieux pour appliquer les consignes gouvernementales en conservant les valeurs de notre service.L'expérience de Santé service Bayonne et du Ssiad de Morlaàs (Pyrénées-Atlantiques) illustre les problématiques rencontrées sur le terrain. Pourtant Brigitte Glémet et Christophe Blanc, respectivement directrice et directeur des deux structures, insistent auprès d'Hospimedia : la réforme a du sens. Elle est d'ailleurs dans l'esprit depuis longtemps mise en œuvre grâce à des liens, partenariats ou conventions renforcées, expliquent-ils tous deux. Le point bloquant est l'obligation de création d'une entité juridique unique. "C'est impossible et irréalisable", lance Brigitte Glémet. Son territoire compte un Ssiad pour quelque trente-cinq Saad, "de tous les statuts". Pourtant, le service a commencé le travail de rapprochement, "petit à petit". Avec un mot d'ordre : "pas de zone blanche". Mais au Pays basque une structure refuse le rapprochement et souhaite se constituer service autonomie aide. "Le risque était prévu et il est réel." Dans ces conditions, le Ssiad pourrait perdre son autorisation sur ce territoire. Santé service Bayonne est adossé à un établissement d'hospitalisation à domicile et s'inquiète également du devenir de ce fonctionnement qui évite les passages aux urgences et les hospitalisations, rappelle la directrice.
Ssiad public de l'Aube (2)
"Techniquement, la réforme est impossible", abonde Christophe Blanc, qui déplore des lourdeurs administratives. Sur son territoire pourtant, le schéma est relativement simple puisque le Ssiad travaille depuis vingt ans dans le cadre d'une convention renforcée avec l'ADMR. Les deux acteurs doivent également se regrouper au sein de locaux communs. "Tous les objectifs du cahier des charges peuvent être atteints par d'autres moyens." Il appelle dès lors à des assouplissements pour permettre la constitution de services autonomie via des conventions renforcées. "Le fond du problème est l'obligation d'une entité juridique unique et surtout la fusion des autorisations, explique celui qui est aussi président de l'association des responsables de Ssiad des Pyrénées-Atlantiques. On peut avoir une entité juridique unique via un groupement de coopération sociale et médico-sociale où chacun garde ses autorisations." Il appelle à laisser le libre choix et surtout à faire confiance aux acteurs de terrain.
La transformation est amorcée avec le soutien de l'ARS et du conseil départemental. Des difficultés et des résistances existent, elles sont liées à la multiplicité des services d'aides à domicile, au contexte des entités juridiques porteuses variées et aux territoires des uns et des autres. Cependant, la nécessité de répondre aux besoins des publics doit être une priorité, associée à la nécessité de valoriser l'ensemble des métiers impliqués.Ce qui inquiète tout particulièrement les deux structures est l'aspect financier. Face aux difficultés économiques des Saad, "quelle est la motivation première de la réforme", interroge le directeur. Selon lui, il ne fait aucun doute que ce n'est pas l'intérêt de l'usager mais la sauvegarde des services d'aide. "Cela pourrait mettre en difficultés financières l'ensemble", lance Alain Etchenique, directeur financier de Santé service Bayonne.
Ssiad associatif de Dordogne
Travailler avec "une logique de territoire"
Dans le Morbihan, la fédération départementale ADMR a voulu être facilitatrice auprès de la cinquantaine de structures du réseau, parmi lesquelles trois Ssiad. "Nous avons travaillé avant la parution du décret avec une logique de territoire" afin de "tendre vers une harmonisation", explique à Hospimedia Sylvie Alric, directrice adjointe de l'organisation. L'un des services de soins infirmiers fonctionne d'ores et déjà en Spasad. "L'évolution sera simple", explique-t-elle. Pour les deux autres Ssiad, des ajustements seront nécessaires mais là encore des conditions favorables sont réunies, avec des gouvernances communes et des territoires identiques. La réforme est plus simple à mener en interne, concède Sylvie Alric qui souligne l'importance d'avoir une "vision politique de la reconfiguration territoriale".La plupart des services sont dans le flou sur l'application concrète de la réforme. Nous n'avons que très peu d'informations des autorités sur leurs attentes et comment elles envisagent son application.Du côté des services d'aide et d'accompagnement à domicile, la fédération départementale souhaite tendre vers la création de services autonomie mixtes. "La question des statuts va être problématique", concède Sylvie Alric. Elle relève elle aussi les freins à la création de groupements qui entraînent la perte des autorisations et la difficulté face à des territoires d'intervention différents. Elle s'inscrit également en faveur d'un assouplissement de la réforme. Si les Saad ont le choix de ne proposer que de l'aide, la politique du conseil départemental du Morbihan entraînera quoi qu'il arrive une restructuration de l'offre. La collectivité a identifié un seuil critique. Les services autonomie qui ne proposeront que de l'aide devront impérativement effectuer a minima 30 000 heures d'intervention chaque année. "Quoi qu'il en soit, nous serons adaptés à chaque territoire, souligne la directrice adjointe. Nous ne dupliquerons pas les solutions. Même nos trois Ssiad auront une conjoncture différente."
Saad privé commercial des Bouches-du-Rhône
La réforme se passe bien. Il reste à travailler sur la déterritorialisation des zones d'intervention.
Saad associatif du Rhône
Une nécessaire prise en charge globale
Du côté des services polyvalents, la réforme est vue d'un meilleur œil. Ces structures disposent en effet de leviers et de liens pour mener plus facilement à bien les rapprochements. Les acteurs intégrés disposent d'ores et déjà d'une autorisation de services autonomie aide et soins. Ils ne sont toutefois pas exempts de difficultés et mettent en avant, eux aussi, leur peur de voir disparaître les plus fragiles ainsi que les contraintes de territoire.C'est une réforme importante pour nous inscrire comme acteurs de référence pour les personnes fragilisées par la dépendance et qui va nous permettre de valoriser les compétences de nos professionnels.Plus que pour les autres typologies de services, les répondants soulignent la "grande cohérence" de cette transformation pour la prise en charge globale des personnes. Pour une structure associative du Rhône, "la complexité n'empêche pas d'avancer dans le bon sens, les difficultés sont progressivement levées". Interrogé par Hospimedia, un directeur de Spasad du Nord signale ne pas souhaiter d'assouplissement. Le service, intégré, a été créé il y a plus de dix ans, avec des temps de coordination communs. Si la réforme devait être atténuée "ce serait dommage pour ceux qui jouent le jeu et pour les usagers, assure-t-il. Le système de santé est de plus en plus fragile, si nous voulons continuer les accompagnements, il faut arrêter de multiplier les structures et il est nécessaire de diminuer les coûts." Le directeur voit aussi les structures intégrées comme facilitatrices des évolutions de carrière. "Si nous voulons prendre le virage du domicile correctement, il va falloir mener la réforme. Les Saad et les Ssiad ne pourront pas continuer à travailler efficacement chacun de leur côté."
Spasad associatif du Haut-Rhin
Reste à savoir ce qui sera porté par les pouvoirs publics et finalement voté par le Parlement. Sur le terrain comme au niveau national, chacun tente de faire bouger les lignes.