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Frédéric Valletoux, président de la FHF

"Tout le monde ne doit pas être dans le bunker à regarder ceux qui sont au front"

Avec des hôpitaux saturés ou sur le pied de guerre face au Covid-19, deux sujets alertent le président de la FHF, Frédéric Valletoux, tant ils handicapent les soignants : le manque de masques, l'attitude de certains rectorats sur la garde d'enfants.

Hospimedia : "La question du manque cruel de masques est sujet à colère chez les hospitaliers. Qu'attendez-vous des pouvoirs publics ?

Frédéric Valletoux : C'est effectivement un enjeu global pour tous les professionnels de santé. Ne pas régler cette question des masques à l'hôpital dans les endroits manquants, car il y a des établissements où il n'y a pas de problème d'approvisionnement, c'est s'exposer à d'éventuels droits de retrait. On sent bien que ce débat commence à monter ici ou là. Il faudrait éviter d'en arriver là car ce serait un paradoxe pour les hospitaliers d'avoir à se poser la question de rester au moment où nous avons justement besoin d'eux avec intensité. Il faut absolument trouver un équilibre avec un approvisionnement le plus vite possible. Et j'espère que ce qui a été annoncé par le ministre des Solidarités et de la Santé avec une livraison massive d'ici la fin de la semaine sera suivi d'effets. Ce sujet vaut également pour les Ehpad, avec là aussi des manques et des besoins énormes qu'il faut à tout prix combler. À froid, la crise passée, il y aura un retour d'expériences à mener sur la gestion des masques. Il n'est pas acceptable qu'un pays comme la France se retrouve dans cette situation de pénurie et de difficultés à approvisionner. Il faudra absolument aborder la question du fonctionnement des chaînes logistiques, de la façon dont nous nous approvisionnons et sommes capables de déclencher des envois massifs de tel ou tel produit.
À froid, la crise passée, il y aura un retour d'expériences à mener sur la gestion des masques. Il faudra absolument aborder la question du fonctionnement des chaînes logistiques.

H. : S'agissant de la garde d'enfants, les solutions proposées par l'Éducation nationale pour les soignants vous satisfont-elles ?

F. V. : Non, c'est un autre gros sujet d'inquiétude avec, selon les rectorats, des difficultés qui émergent avec parfois des conditions beaucoup trop drastiques pour les familles. Nous avons des professionnels de santé — si dans leur couple ils ne sont pas tous les deux soignants — dont les enfants ne sont pas pris en charge. L'impression que cela donne, c'est que du côté de l'Éducation nationale, cette question des gardes n'est pas facilitée avec beaucoup trop de barrières. Et puis, il y a des communes, souvent petites ou rurales, qui peinent à maintenir ouvert un service de restauration. Si bien que nous avons des cas d'école qui, certes accueillent les enfants de soignants, mais sans service de restauration ni le moindre périscolaire. Quand on vous prend votre enfant à l'école c'est bien mais quand on ne le fait pas déjeuner et qu'on vous le rend chaque après-midi dès 16 heures, c'est compliqué. Il y a un vrai souci de coordination avec certaines mairies. Et dans cette affaire, l'Éducation nationale et les rectorats ne sont pas aussi facilitants qu'ils devraient l'être.

H. : Certains syndicats d'enseignants ont dénoncé ces conditions d'accueil, quitte à afficher une autre vision du service public de celle des hospitaliers...

F. V. : Oui, j'ai vu passer des propos fâcheux et assez sidérants à l'Éducation nationale. Je reprendrais ce mot de "guerre" utilisé par le président de la République (lire notre article). Nous sommes dans une période de combat. Or tout le monde ne doit pas être dans le bunker à regarder par les fenêtres ceux qui sont au front et qui se battent. Il doit y avoir derrière ceux qui se battent une chaîne logistique pour faciliter leur travail. Et ce n'est pas en étant tous dans le bunker que nous faciliterons le travail de ceux qui sont en première ligne. Les Français dans leur grande majorité se protègent et s'isolent. C'est d'ailleurs indispensable pour préserver autant que possible les forces de l'hôpital. Pour autant, il y a une chaîne du service public qui doit rester présente et opérationnelle. Dans ma commune, à Fontainebleau (Seine-et-Marne), plusieurs de mes agents publics continuent de travailler. Je pense par exemple à cette aide-ménagère qui apporte tous les jours le repas à des personnes âgées qui vivent seules. Elle pourrait très bien considérer qu'elle s'expose au virus. Au final, elle participe au maintien à domicile, à ce que ces personnes ne basculent pas sur des structures hospitalières déjà sous tension.
Sur la garde d'enfants de soignants, l'Éducation nationale et les rectorats ne sont pas aussi facilitants qu'ils devraient l'être. J'ai vu passer des propos fâcheux et assez sidérants.

H. : Le privé, lucratif ou non, se plaint de ne pas être suffisamment intégré à la gestion de crise, en région Grand-Est notamment. Comprenez-vous cet agacement ?

F. V. : Le seul mot d'ordre à avoir, c'est que tout le monde doit se serrer les coudes. Pas question de considérer son statut : il faut au contraire se mettre au service de l'intérêt général, c'est-à-dire soigner et sauver des vies autant que possible. Après, est-ce que les cliniques ont mis à disposition des hôpitaux ou ont fait la démarche d'aller vers eux pour leur dire : "Voilà notre matériel, nos forces médicales et paramédicales, de quoi avez-vous besoin ?" Si tel est le cas, je suis sûr que les hospitaliers ont ouvert leur porte en grand car un réanimateur de plus dans un service, ou des infirmiers spécialisés qui savent faire fonctionner des respirateurs, c'est précieux. À Colmar (Haut-Rhin), on m'a cité le cas d'un anesthésiste-réanimateur qui est de lui-même venu prêter main forte dans le service de réanimation et travailler à côté de ses collègues du public. On avait déjà ce débat lors de la crise des urgences : "Nos cliniques peuvent accueillir des urgences, les urgences hospitalières sont débordées." C'est certain que les Samu n'adressent pas spontanément aux cliniques les patients qu'ils envoient dans les hôpitaux. Mais la question à se poser c'est : "Est-ce que les autres mois de l'année, les cliniques font partie de manière totalement ouverte du circuit des urgences au point qu'il serait tout à fait logique que les Samu y amènent des patients ?" Le sujet n'est pas de polémiquer ni de se plaindre que ses services sont vides. Envoyons plutôt les médecins là où il y en a besoin. Il manque des médecins à l'hôpital de manière structurelle et les besoins sont encore plus prégnants en période de crise."

Propos recueillis par Thomas Quéguiner

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