Thierry Chiche, président du groupe Elsan
"Nous avons quasiment besoin de deux cliniques pour en faire tourner une"
Au front face au coronavirus dans le Grand-Est et l'Île-de-France, le groupe Elsan mobilise massivement ses équipes pour soutenir ses cliniques mais aussi parfois directement l'hôpital public. Le témoignage du président d'Elsan, Thierry Chiche.
Hospimedia : "À l'instar des autres groupes d'hospitalisation privée (lire notre article), comment s'organise la réponse des établissements Elsan face à la crise sanitaire actuelle ?
Thierry Chiche : Nos 120 établissements couvrent relativement bien le territoire. Nous avons essayé d'avoir la réponse la plus pragmatique et la plus appropriée possible. Et sa nature qualitative et quantitative diffère selon la situation géographique, les acteurs en présence et l'importance de l'épidémie. Nous avons par exemple cherché à créer massivement des capacités de réanimation dans nos établissements pivots. Très concrètement, nous avons triplé notre nombre de lits de réanimation, qui sont passés de 104 à 326, et ainsi effectué des transferts de personnels, d'équipements et des demandes d'autorisation temporaires auprès des ARS. Nous avons également augmenté de quasiment 120 le nombre de lits en soins critiques et soins intensifs. Globalement, ce sont donc 340 lits chauds qui ont été créés, principalement en réanimation.Elsan est organisé en territoires de soins. Cette organisation se retrouve extrêmement utile en temps de crise avec une coopération inter-établissements qui bat aujourd'hui son plein.
H. : Vous parlez d'une réponse plurielle, selon les territoires. Qu'en est-il exactement ?
T. C. : En tant normal, Elsan est organisé en territoires de soins pour que nos établissements coopèrent entre eux et accompagnent les patients dans leurs filières de soins. Or cette organisation se retrouve extrêmement utile en temps de crise avec une coopération inter-établissements qui bat aujourd'hui son plein. Compte tenu des besoins en personnels et de l'absentéisme pour maladie, nous avons quasiment besoin de deux cliniques pour en faire tourner une. Sur Metz (Moselle), l'Hôpital-clinique Claude-Bernard est en première ligne avec beaucoup de patients critiques en réanimation. Nous avons alors fermé la Clinique Notre-Dame de Thionville. Toutes ses équipes viennent renforcer chaque matin Metz par noria de navettes. C'est massif. Concernant la Clinique Sainte-Odile d'Haguenau (Bas-Rhin), avant tout chirurgicale, elle aussi a quasiment été arrêtée pour venir épauler la Clinique de l'Orangerie à Strasbourg sur la réanimation et les soins palliatifs. Idem à Vandœuvre-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle). Nous avons là encore presque fermé la Clinique Saint-André pour renforcer la Polyclinique de Gentilly à Nancy, elle aussi très active avec une très grosse activité Covid-19 notamment en réanimation. Ce sont des exemples très concrets où nous pouvons jouer la coopération territoriale entre établissements Elsan, afin de renforcer les équipes (lire notre article) et le matériel (respirateurs, pousse-seringues, médicaments, équipements de protection...).En Seine-Saint-Denis, notre Clinique de l'Estrée à Stains est actuellement très sollicitée avec des équipes héroïques qui font face chaque jour à plus de 100 patients aux urgences.
H. : Il vous arrive également d'envoyer travailler vos soignants au sein d'hôpitaux publics...
T. C. : Effectivement. Dans certains endroits, la bonne façon de procéder, c'est de renforcer l'hôpital public. C'est le cas en Île-de-France où, à la demande l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), huit soignants sont arrivés le 30 mars de Poitou-Charentes et de l'Allier pour prêter main forte en réanimation à l'hôpital Beaujon à Clichy (Hauts-de-Seine). Deux anesthésistes de Poitiers (Vienne) y sont également arrivés ce 2 avril et de nouveaux renforts sont attendus de Bordeaux (Gironde). En Provence-Alpes-Côte d'Azur, des soignants d'Avignon (Vaucluse) sont envoyés à l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM, Bouches-du-Rhône). Nous avons aussi des renforts entre privé. En Île-de-France, notre Clinique de l'Estrée à Stains (Seine-Sant-Denis) est actuellement très sollicitée avec des équipes héroïques qui font face chaque jour à plus de 100 patients aux urgences. Sans compter 70 patients Covid-19 entre la médecine, les SSR et les soins palliatifs. Nous avons ouvert fin mars par dérogation 10 lits de réanimation et fait monter des personnels de différents établissements de province pour les aider. Un dizaine d'entre eux sont venus de Châteauroux (Indre) et d'Orléans (Loiret), sans oublier du matériel depuis Avignon (respirateurs, pousse-seringues...). Nous allons également soutenir nos collègues de la Clinique Ambroise-Paré à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), qui appartient au groupe Hexagone, avec l'envoi sur place en renfort depuis Brest (Finistère).Nous avons mis en visibilité nos capacités disponibles dans des régions un peu moins touchées. Or force est de constater qu'aujourd'hui, elles sont plutôt moins utilisées que plus.