Récemment adoptées, les directives européennes sur les marchés publics introduisent des nouveautés pour les établissements et les industries. Leur transposition en droit français, dont un premier texte sera publié à l'automne, devrait confirmer le rôle des centrales d'achats, prévoir le dialogue technique ou encore les coopérations public-public. Les États membres de l'Union européenne ont jusqu'en avril 2016 pour transposer les récentes directives européennes sur les marchés publics qui ont été adoptées (lire ci-contre). Si ce délai de deux ans semble long, le travail de transposition s'avère dense mais aussi conséquent au regard des différents impacts de ces nouvelles directives pour les hôpitaux et les industries. La France prépare actuellement un décret sur ce sujet, qui sera transmis sous peu au Conseil d'État et publié en octobre prochain, a indiqué Aymeric Hourcabie, avocat, lors d'une table ronde dédiée à ces directives sur les Salons de la santé et de l'autonomie. Pour rappel, le but de la France est de tendre vers un seul Code des marchés publics concis et simplifié.
Dialogue technique
Parmi les points marquants des trois directives, conçues comme des boîtes à outils pour répondre aux différents besoins, figure l'intégration du dialogue technique. Cette pratique, qui consiste pour un pouvoir adjudicateur à questionner des entreprises sur le marché technique, tend à se répandre même si elle a longtemps été taboue. En prévoyant ce dialogue technique, la directive communautaire lui accorde une plus grande sécurité juridique car il n'était jusqu'à présent pas prévu. Une mesure dont s'est réjoui Caroline Chassin, directrice des achats au CHU de Nice. Le fait de rencontrer les fournisseurs avant la procédure de marché a souvent été mal perçue au CHU de Nice, alors que cette pratique permet de mieux cibler ses besoins en amont. Cela va par conséquent libérer les acheteurs, a-t-elle indiqué. Autre point notable souligné par Aymeric Hourcabie, le fait que la directive communautaire appréhende les éventuels avenants d'un marché. Le nouveau texte permet de réglementer les avenants mais pose surtout la possibilité de modifier le marché une fois la signature actée, comme l'augmentation de son périmètre ou la modification des besoins, sans impact financier, a-t-il précisé.
La clause package : nouvelle technique de l'achat
La directive européenne va aussi plus loin dans l'allotissement en accordant la possibilité de limiter le nombre de lots susceptibles d'être attribués à une entreprise. Pour autant, les règles régissant cette limitation sont encore à établir, a expliqué Aymeric Hourcabie. Autre innovation importante qui ne figure pas pour le moment dans le Code des marchés publics, celle du clause package qui permet au pouvoir adjudicateur de regrouper les lots et d'en attribuer plusieurs à une entreprise via une offre différenciée. Cette mesure, qualifiée de "bouffée d'oxygène" par Jean-Michel Descoutures, président du Club des acheteurs de produits de santé, change surtout la culture des offres et de leur attribution, a insisté Aymeric Hourcabie. Il s'agit en effet d'une innovation importante pour les établissements de santé, qui doit les conduire à s'interroger sur la technique achat et son impact sur les plans technique et financier. Un travail, a-t-il précisé, devra être conduit sur cette évolution. La directive permet aussi les coopérations public-public. Ainsi, un CH pourra satisfaire les besoins d'un autre en contractualisant avec lui ou avec d'autres personnes publiques, comme les conseils généraux. Cependant, Aymeric Hourcabie a avoué ne pas savoir encore comment cela se traduira en droit interne.
Le rôle des centrales d'achat confirmé
La directive européenne consolide les acquis de l'outil que représente la centrale d'achats, a indiqué Aymeric Hourcabie, et confirme son utilité. Elle prévoit même l'ouverture des centrales d'achats vers d'autres fonctions comme les achats auxiliaires. De ce fait, leur panel d'activités s'étoffe. Si les fournisseurs ne voient pas forcément d'un bon œil cet encouragement des centrales, craignant notamment la massification, le Réseau des acheteurs hospitaliers d'Île-de-France (Resah IDF) a tenu à les rassurer sur leur vision des achats. Charles-Édouard Escurat, directeur adjoint du réseau, a ainsi expliqué tendre plus vers l'idée d'une mutualisation raisonnable. Par ailleurs, avec les achats auxiliaires, les centrales seront surtout en capacité de proposer et d'apporter de nouveaux services plutôt que de faire de la massification d'achats, préjudiciable, entre autres, aux PME. Il faudra conduire ce changement, a ajouté Charles-Édouard Escurat, pour se rendre dans les établissements avec les fournisseurs et leur apporter de nouveaux gains. Avec cet outil, le Resah IDF compte déployer des solutions et ne pas forcément arrêter les prix. Pour Jean-Bernard Schroder, directeur des affaires industrielles du Snitem, le déséquilibre reste patent entre acheteurs et fournisseurs. Il a d'ailleurs rappelé que le Code des marchés public est un texte fait par les acheteurs pour les acheteurs. Sur ce sujet, les fournisseurs attendent donc de voir ce qui sera retenu dans les textes français.