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Les personnels soignants s'alarment du manque de surblouses et de leur réutilisation

Après les masques, c'est au tour de l'approvisionnement en surblouses d'être sous tension. Entre réutilisation de surblouses, matériel défectueux et recours au système D, les soignants s'exaspèrent des nouvelles pratiques ajoutées au manque de moyen.Le manque de moyens du personnel soignant ne fait que s'accentuer depuis le début de la crise sanitaire du Covid-19. Après le manque de masques puis de respirateurs, ce sont désormais les surblouses qui viennent à manquer. Les soignants sont censés les jeter après chaque utilisation mais leur réutilisation est désormais possible (lire notre article). Une pratique mise en œuvre au sein d'hôpitaux comme l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM, Bouches-du-Rhône) où des tensions sont déjà apparues car les soignants craignent de se retrouver sans protection pour soigner les malades infectés.

Des lots défectueux à l'AP-HM

Deux vidéos filmées par des soignants de l'hôpital de La Timone à Marseille ont ainsi été postées le 5 avril sur les réseaux sociaux et ont été vues plus de 200 000 fois chacune. "Les nouvelles blouses qui se déchirent, c'est normal, voilà, sorties du sachet", ironise une infirmière alors que la surblouse se déchire entre ses mains. Les vidéos avaient été diffusées dans un premier temps sur un groupe de discussion privé réservé au personnel de l'AP-HM et a conduit la direction à diligenter une enquête interne "pour comprendre l’origine de ses surblouses et les raisons de leur délabrement" comme elle l'indique dans un communiqué.


"Les équipements de protection individuelle sont vérifiés par sondages avant distribution", souligne la direction de l'AP-HM, qui a vérifié que tous les services disposaient des stocks nécessaires et conformes. Elle indique que les conditions de stockage de ces blouses dans un lieu humide apparaissent comme la raison de cet état de détérioration et que les trois cartons contenant 300 blouses défectueuses sur un lot de 20 400 ont été remplacés par des produits sans défaut. "La direction a réagi intelligemment dans le contexte de l'épidémie, estime Yves Castino, représentant CGT à La Timone, qui dénonce cependant auprès d'Hospimedia un manque de moyen inacceptable. Si on n'a pas les protections nécessaires, il n'y a pas d'issue : qui continuera à soigner les patients si on tombe malade ?"

Le lavage des blouses à usage unique scandalise

Une note de la direction de l'AP-HM reçue par le personnel soignant ajoute à l'inquiétude. Elle précise que les surblouses à usage unique devront désormais être lavées pour être réutilisées. Une pratique qui reprend l'avis de la Direction générale de la santé jugeant "acceptable" le retraitement des surblouses à usage unique imperméables à manches longues. "Ça n'a aucun sens de laver des blouses à usage unique, s'indigne Yves Castino. On travaille en mode dégradé, c'est scandaleux et c'est très risqué pour les malades."

Face à la pénurie, les Hospices civils de Lyon (Rhône) ont eux aussi diffusé une note interne dont a eu connaissance Hospimedia. Ils reconnaissent des "problèmes croissants", "voire des ruptures" d'approvisionnement en équipement de protection individuelle (EPI). Après avoir lancé un appel généralisé aux dons sur les réseaux sociaux, la direction a décidé de mettre en œuvre des "mesures palliatives". Ainsi, dans l'attente d'une commande dont la quantité et la date d'arrivée sont "incertaines", les tabliers à usage unique doivent être récupérés, lavés et remis en circulation. La note préconise même la fabrication de tabliers à partir de sacs poubelles transparents grâce à un tutoriel vidéo. Même traitement pour la surblouse qu'il est demandé de garder, si elle n'est pas souillée, pour effectuer un tour de soin pour plusieurs patients atteints du Covid-19. En désaccord avec ces nouvelles pratiques, la CGT des Hospices civils de Lyon a annoncé à 20 Minutes qu'elle porterait plainte contre la direction pour "mise en danger de la vie d'autrui".

L'avis favorable de la SF2H sur la réutilisation des surblouses

Ces mesures sont en accord avec les recommandations nationales. Saisie en urgence par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) a publié son avis révisé le 5 avril (à télécharger ci-dessous). Elle recommande l'utilisation de surblouse en tissu réutilisable à manches longues, lavable à 60°C pendant 30 minutes, ainsi que la prolongation du port de la surblouse à usage unique par le même soignant pour plusieurs patients Covid-19 en fonction de son étanchéité et son intégrité. La SF2H préconise également de laisser la possibilité aux établissements de santé de définir et valider un processus de retraitement des surblouses en non tissé sous certaines conditions.

Le système D pour pallier la pénurie

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Le manque de surblouses auquel font face les hôpitaux les amène parfois à se tourner vers des méthodes inhabituelles. Les ponchos en plastique font ainsi office de surblouses pour les soignants. La société Eyes Up basée à Hossegor (Landes) a ainsi offert aux soignants de la ville 30 000 ponchos destinés aux supporteurs de l’Aviron Bayonnais. Les groupes Disneyland et Europa Park ont également fait don de ponchos aux personnels soignants parisiens et alsaciens. Le CHU de Lille (Nord), lui, s'était déjà attelé à la fabrication de masques en tissu (lire notre article). Il organise depuis le 3 avril des ateliers de couture pour la confection de surblouses puisqu'il en a besoin de 6 000 par jour. Séverine Laboue, directrice du groupe hospitalier Loos-Haubourdin (Nord), liste sur Twitter les solutions alternatives.


Après les masques, les industriels du textile sont par ailleurs mobilisées pour fabriquer des surblouses lavables, annonce le ministère de l'Économie et des Finances. L’Institut français du textile et de l’habillement a ainsi défini les éléments techniques nécessaires à la mise en production rapide de ce nouveau modèle, tandis qu'en parallèle, le Comité stratégique de filière mode et luxe a lancé un site Internet permettant de mettre en relation directe les fournisseurs de tissus, les confectionneurs et les acheteurs. Un dispositif visant à "permettre une production rapide et assurer une mise en relation simplifiée entre les établissements de santé et les confectionneurs".

Perrine Debacker

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