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L'expérience perpignanaise souligne la pertinence de coopérations accrues face à la crise

Très tôt, les professionnels du CH de Perpignan ont pu identifier des cas de patients atteints par le Covid-19. La mobilisation forte sur le territoire et une réorganisation rapide permettent d'aborder un peu plus sereinement le pic épidémique.Le 6 avril, le bilan de l'ARS Occitanie faisait état de 106 patients atteints de Covid-19 hospitalisés dans les Pyrénées-Orientales, dont 32 en réanimation. Un territoire impacté, depuis le début de l'épidémie, dans une région pourtant parmi les moins touchées par le virus. À Perpignan, le CH a anticipé la crise sanitaire grâce à des détections précoces et une organisation qui s'appuient sur l'ensemble des acteurs du territoire. Le Dr Hugues Aumaître, chef de service des maladies infectieuses et tropicales du CH de Perpignan et président du Syndicat national des médecins infectiologues (SNMI), évoque cette expérience.

Un foyer identifié très tôt

"10% de la population de Perpignan est une population gitane sédentarisée. Ces familles sont installées depuis quatre ou cinq siècles dans plusieurs quartiers de la ville, autour de l'hôpital, dans le centre-ville et dans le Nord-Est", décrit Hugues Aumaître. Cette population, qui vit dans un habitat "très insalubre" bouge peu mais participe parfois à de grandes messes évangélistes... comme celle qui s'est tenue en février à Mulhouse (Haut-Rhin) et à laquelle plus de 2 000 personnes ont participé. Ce rassemblement a été identifié depuis comme un important foyer de propagation du virus. Et Perpignan n'a pas été épargné. Toutefois, le suivi de la population gitane par les professionnels du CH a permis "très tôt" de détecter les premiers cas et l'émergence d'un nouveau foyer.

"Vers le 12 mars, nous avons détecté le premier cas positif", se remémore Hugues Aumaître. L'heure n'était alors pas au confinement et depuis, par endroit, les choses n'ont guère changé. "Disons que c'est un confinement "à la catalane", il est difficile d'isoler un individu malade", décrit le professionnel. Dès le 16 mars, un phénomène majeur de contamination au sein de la population gitane est d'ailleurs clairement identifié. "Au sein du service des maladies infectieuses, nous sommes rodés sur ce type de pathologie, nous avons par exemple la possibilité d'organiser des consultations isolées du service pour éviter la propagation", décrit le chef de service.

Une mobilisation de tout le territoire

Mais face à l'explosion du nombre de malades, il a fallu s'adapter. En lien avec le service des urgences du CH, l'activité liée au Covid-19 a été externalisée pour préserver l'hôpital. C'est ainsi qu'est né Corona-ambu, un lieu de consultation installé sur le parking de l'hôpital, dès le 13 mars. "Il s'agit de consultations qui s'adressent à la population générale mais dans un quartier où réside une partie de la population gitane, et qui a permis aux personnes qui avaient un doute et des inquiétudes de venir consulter rapidement", explique Hugues Aumaître. Ce centre a ainsi accueilli jusqu'à 110 consultations par jour et permis l'hospitalisation rapide des cas les plus graves. Dans les jours qui ont suivi, en partenariat avec la médecine libérale, le modèle a été dupliqué. Dans le centre-ville de Perpignan notamment. Quatre centres Corona-ambu ont ainsi vu le jour dans la cité. Le lien est aussi fait avec les quelque 400 médecins des Pyrénées-Orientales et avec le soutien de l'ARS Occitanie.
On s'attend forcément à une vague mais on espère avoir permis de l'atténuer un peu, par le fait d'avoir dès le début pu dimensionner les choses. C'est une chance que nous avons.
Dr Hugues Aumaître, chef du service maladies infectieuses et tropicales du CH de Perpignan.
Cette porte d'entrée inédite dans les prises en charge des patients malades ou inquiets s'est accompagnée d'un travail de réorganisation au sein du CH. Il est par exemple passé de 20 lits de réanimation à une soixantaine. "Détecter tôt les premiers cas nous a permis d'anticiper un afflux de patients dans ce secteur. Jusqu'à 37 lits ont été occupés", détaille Hugues Aumaître. Il a fallu également gérer l'aval : un hôtel du sud de la ville a permis de confiner une vingtaine de personnes après leur hospitalisation et qui n'avaient pas la possibilité de se placer en confinement. Cela s'est cette fois organisé en partenariat avec le conseil départemental et la préfecture. Des partenariats avec le secteur privé et une coordination Ehpad et service de gériatrie se sont aussi mis en place.

Cette organisation permet au système de santé d'aborder sereinement le pic épidémique qui s'annonce. "On s'attend forcément à une vague mais on espère avoir permis de l'atténuer un peu par le fait d'avoir dès le début pu dimensionner les choses. C'est une chance que nous avons", confie Hugues Aumaître. D'autant qu'à Perpignan comme ailleurs, les acteurs partagent l'inquiétude liée à la logistique et à la pénurie de matériel. Cela n'entame pas l'optimisme et la motivation du terrain. "Cette expérience de mobilisation intrahospitalière est finalement un franchissement de ligne dont nous n'avions pas l'habitude sur le territoire. Nous avons de manière collective réagi pour mettre en place une organisation à une vitesse phénoménale, cela témoigne que c'est faisable", conclut Hugues Aumaître, qui espère ainsi prolonger les coopérations lorsque la crise sanitaire sera passée.

Clémence Nayrac

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