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Le taux de contamination des soignants serait six fois supérieur à celui de la population

Combien de soignants sont aujourd'hui contaminés par le Sars-Cov-2 ? Une enquête officielle est lancée pour tenter de le déterminer. Plusieurs syndicats et associations ont déjà pris les devants. L'une des enquêtes laisse présager un taux de contamination des personnels des établissements de santé six fois supérieur au reste de la population.Ce 28 avril, c'est la journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail. Un sujet plus que jamais d'actualité dans ce contexte de crise sanitaire. Face à l'épidémie de Covid-19, les professionnels de santé sont particulièrement concernés. Pour l'heure, aucune estimation officielle ne précise le nombre de soignants infectés par le coronavirus ni même le nombre de décès parmi ces professionnels. Plusieurs initiatives ont toutefois émergé ces derniers jours.

Une enquête "officielle" lancée

Le 21 avril, une enquête du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHAR-E) sur l'accès aux matériels de protection révélait une "omerta" sur le taux de contamination des soignants dans leur établissement. 37% des interrogés dénonçaient en effet l'opacité de ces données au sein de leur structure (lire notre article). Alors que les chiffres de l'épidémie sont communiqués quotidiennement pour la population générale et en Ehpad, il demeure encore difficile de savoir réellement combien de professionnels du secteur ont été touchés par le virus. Le dernier bilan épidémiologique de Santé publique France, publié le 23 avril, révèle que parmi les 3 192 cas identifiés comme graves en réanimation durant la semaine 16, 88 personnes, soit 3%, étaient des professionnels de santé.

Afin de préciser et d'élargir ces données, ce 23
 avril, le Groupe d'étude sur le risque d'exposition des soignants aux agents infectieux (Geres) a annoncé le lancement d'une grande enquête sur le contexte de contamination par le Sars-Cov-2 des soignants et de tout personnel assurant des soins ou l'accompagnement de patients ou d'usagers du système de santé. Cette enquête en ligne, soutenue par la Haute Autorité de santé (HAS) et Santé publique France, est ouverte pour les douze prochains mois. Elle a pour but de tenter d’identifier les facteurs de contamination du personnel de santé par le virus, et est proposée à tous les personnels de santé contaminés, quelle que soit leur fonction au contact des patients : infirmiers, aides-soignants, médecins, kinésithérapeutes, techniciens de laboratoire, pharmaciens, manipulateurs en radiologie, brancardiers, ambulanciers, psychologues, diététiciens, dentistes... à la fois sur le secteur médico-social et sur la ville, en plus des établissements de santé hospitaliers. Seule condition pour y répondre : avoir eu un diagnostic de Covid-19, validé par un médecin, reposant sur le résultat positif d'une PCR (pour réaction de polymérisation en chaîne) ou d'une sérologie ou sur des signes cliniques très évocateurs.

6 700 salariés des établissements infectés ?

Avant même que cette initiative officielle ne soit lancée, plusieurs acteurs du secteur ont mené un recensement. La fédération CGT Santé estime que, sur la base d'une enquête réalisée auprès de ses troupes — soit un retour de 250 établissements privés ou publics, du secteur sanitaire ou médico-social pour un volume d'environ 400 000 salariés —, environ 6 700 personnels salariés des établissements seraient identifiés comme malades. "Une enquête plus large sera publiée dans quelques jours. Nous avons posé une quinzaine de questions à nos adhérents dans les établissements et ils remontent encore un très faible niveau de protection", confie à Hospimedia Mireille Stivala, secrétaire générale de la fédération CGT Santé social. La seule certitude pour le moment est que le nombre de personnels recensés comme malades correspond à un taux de contamination six fois plus élevé que pour le reste de la population, souligne la CGT.

Selon cette enquête, 65% des établissements manqueraient ainsi encore de matériel de protection. "Malgré ces données encore partielles, on se rend compte qu'il y a un vrai problème avec le matériel, cela correspond à ce que nous craignions, les infections sont importantes parce que les personnels en première ligne ne sont pas protégés, c'est navrant", déplore Mireille Stivala.

Le lien entre manque de protection et contamination

Le lien direct entre faible équipement de protection et infection des personnels par le Sars-Cov-2 est aussi mis en lumière par l'enquête menée auprès de ses adhérents par l'Association nationale de médecine du travail et d'ergonomie du personnel des hôpitaux (ANMTEPH). Les premières données, encore en cours d'analyse et reposant sur un faible taux de réponse reconnaît l'association, mettent en lumière que les personnels les plus touchés par le virus ne sont pas ceux des services de réanimation — taux de contamination le plus faible — mais dans les autres secteurs identifiés Covid+ ou unité Covid hors réanimation.

Les médecins et aides-soignants seraient, au vu des premiers retours, les professionnels les plus touchés, avec des taux respectifs de plus de 6% et 5%. Les deuxièmes sont d'ailleurs particulièrement impactés dans les secteurs hors Covid. "On pourrait avancer l'hypothèse que les secteurs non identifiés Covid+ ont quand même reçu des patients contaminés mais non repérés comme tels. Une grande majorité des retours transmis par les services de santé au travail hospitaliers nous montrent aussi que les aides-soignants qui travaillent en dehors des unités Covid sont parmi les plus touchés, c'est-à-dire là où il y a le moins d'équipement de protection", décrit la présidente de l'ANMTEPH, le Dr Hélène Beringuier. L'association s'inquiète aussi de l'important taux de contamination des agents de services hospitaliers (ASH), qui seraient d'environ 10%. "La formation à l'utilisation des équipements de protection individuelle était-elle suffisante pour ces personnels ?", questionne l'ANMTEPH, qui renouvellera son enquête en septembre.

Face à ces premiers signaux alarmants, l'association pointe l'urgence de disposer de données solides afin de mettre en place une protection et une prévention adaptée localement. "Comment pouvons-nous protéger les personnels et faire de la prévention si nous ne savons pas précisément combien de personnes sont infectées et où elles se situent ?", alerte Hélène Beringuier. L'ANMTEPH, comme, la CGT, le SNPHAR-E ou encore ce 23 avril la fédération Sud Santé sociaux, demandent depuis plusieurs semaines un état des lieux des soignants atteints de Covid-19.

Clémence Nayrac

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