La prise en charge physique et psychique des hospitaliers s'organise sur fond de crise
- Un réseau est opérationnel pour pallier la souffrance psychique engendrée par la crise
- Les services de santé au travail hospitaliers sont en première ligne
En prenant en charge les patients atteints par le Covid-19, les personnels hospitaliers s'exposent au virus. Mais ils s'exposent aussi aux risques psycho-sociaux. Comment prendre soin de ceux qui soignent ? La question se pose plus que jamais. Et les prises en charge et soutiens psychologiques s'organisent.
Des ressources pour prendre soin
Le Centre national de ressources et de résilience (CN2R) a déjà mis en ligne plusieurs ressources et recommandations pour préserver les équipes. Dans une première fiche, il en appelle à la résilience, cette "capacité à s’adapter et à rebondir en période d’adversité. Et donc à traverser une épreuve avec le plus d’adaptabilité possible." Pour épauler plus spécifiquement les professionnels de santé dans cette épreuve, il livre une deuxième fiche qui leur est dédiée.
"Le stress extrême, l'incertitude et la nature médicale souvent difficile des épidémies mondiales telles que le coronavirus nécessitent une attention particulière aux besoins du personnel de santé", y explique-t-il. Prendre soin de soi-même et encourager les autres à pratiquer l'auto-soin permet ainsi de maintenir la capacité à prendre soin de ceux qui en ont besoin.
Une stratégie de maintien du bien-être
Comment ? Le CN2R développe une stratégie de maintien du bien-être du personnel de santé. Elle repose sur une douzaine de grands principes. Tout d'abord répondre aux besoins fondamentaux : boire, manger et dormir régulièrement. Il est aussi important de faire des pauses : "acceptez que le fait de prendre un temps de repos approprié permet de prendre soin des patients par la suite", interpelle le centre. Rester en contact avec ses collègues, prendre soin d'eux, communiquer de manière constructive, contacter sa famille, respecter les différences, rester informer, limiter son exposition aux médias ou encore honorer son service sont autant de conseils distillés. Et si cela ne suffit pas ? Le CN2R rappelle que s'il en éprouve le besoin, tout professionnel peut contacter ses pairs, psychiatres et psychologues, disponibles sur le terrain.
Car au-delà de la prévention, partout sur le territoire, le soutien, l'écoute et la prise en charge s'anime en un véritable réseau. Des initiatives individuelles sont recensées partout sur le territoire, où psychiatres et psychologues libéraux se mettent à disposition des équipes au sein des établissements. En parallèle, le monde associatif prend aussi sa part à ce soutien. C'est le cas notamment de l'association Soins aux professionnels de santé (SPS, joignable au 0 805 23 23 36), qui rappelle l'existence de sa plateforme. Mais d'autres réseaux maillent le territoire.
Des réseaux de soutien
C'est le cas par exemple de celui des cellules d'urgence médico-psychologique (CUMP). "Nous ne sommes pas les seuls à être présents, nous sommes un maillon de la chaîne disponible pour les soignants mais aussi pour les administratifs qui sont pleinement impactés par cette crise", explique à Hospimedia la référente nationale des CUMP, le Dr Nathalie Prieto. Les CUMP, fortes de leur important maillage territorial, comptent d'ailleurs mettre à disposition leur réseau de ligne d'écoute pour épauler l'ensemble des initiatives locales. "C'est une force de frappe dont il faut se servir pour que partout, les soignants en souffrance puissent être épauler. Il me semble que nous ne sommes pas dans une prise en charge psychiatrique, même si les traumas peuvent être importants, mais bien dans du soutien", continue Nathalie Prieto.
Pour la professionnelle, deux impératifs s'imposent dans cette crise : "je voudrais alerter sur deux points importants. Il faut que les procédures qui se mettent en place soient simples et directes. Il faut éviter les procédures compliquées avec de l'attente et un passage de professionnel en professionnel. Et surtout, il faut de la souplesse, que les dispositifs de soutien obéissent à des particularités locales".
De l'écoute et des maraudes
Des clés de réussite que les établissements ont déjà comprises. À l'image du CHU de Lille (Nord), où un dispositif se met en place principalement pour "les soldats de première ligne", des services d'urgences, d'infectiologie, de réanimation, les Smur, tous corps confondus. Il s'agit d'une ligne d'écoute, au numéro unique à destination des professionnels uniquement. "Il y a une prise de conscience au sein des directions. À Lille, nous avons eu tout le matériel en une journée. Nous prévoyons une montée en puissance progressive", confie à Hospimedia le Dr Christophe Debien, psychiatre aux urgences du CHU nordiste. Une dizaine de professionnels assurent ainsi en permanence une écoute téléphonique.
Et pour ceux qui ne sont pas prêts à passer le cap de l'appel, une maraude se met en place pour détecter les personnels en difficulté. "Nous souhaitons aussi "aller vers", avec la possibilité également de consultation discrète et anonyme", décrit Christophe Debien. Tout cela fonctionne en lien direct avec le Samu. Pour l'heure, l'assistance est en place pour les hospitaliers uniquement mais cela pourrait vite prendre une dimension régionale. "On crée quelque chose qui n'existe pas, on va vers l'inconnu et nous nous adapterons aux besoins et à la demande", ajoute le psychiatre. Dans les prochaines semaines, il ne fait aucun doute, pour l'ensemble de ce réseau de soutien, que cette demande devrait s'accroître.