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Reportages


[Reportage] Formation

Ce qui se cache derrière les portes des examens cliniques objectifs structurés

Ecos. Derrière l'acronyme se cachent des modalités d'examen nouvelles pour les étudiants en médecine. En juin, Hospimedia a poussé la porte de la faculté catholique de Lille. Un examen millimétré qui s'appuie sur l'humain, bien loin des traditionnels questionnaires à choix multiples.
Les groupes d'étudiants sont encadrés entre les stations. (Clémence Nayrac/Hospimedia)
Les groupes d'étudiants sont encadrés entre les stations. (Clémence Nayrac/Hospimedia)

Huit minutes, pas une de plus pour (dé)montrer son savoir-faire et son savoir-être. Tel est l'esprit des examens cliniques objectifs structurés (Ecos). Cette nouvelle évaluation — classante lorsqu'elle est nationale et s'adresse aux futurs internes — est une petite révolution dans la formation et l'évaluation des futurs médecins. À la veille de l'examen national, Hospimedia a fait le point sur les préparatifs au sein de la faculté de médecine et de maïeutique de l'université catholique de Lille (Nord, lire notre article). Un établissement expérimenté en la matière puisqu'il a mis en place cette modalité d'évaluation dès la cinquième année de médecine, depuis 2018. Ce 13 juin, à "la Catho", ce sont donc des Ecos facultaires qui ont permis d'évaluer 137 étudiants, suivant un parcours désormais bien rodé. Hospimedia vous emmène dans les coulisses de cette session.

Trois parcours et un souci d'équité

Ce qui frappe dès l'arrivée, c'est le calme et la confidentialité qui règne, y compris jusqu'à l'accueil, où un vigile filtre les entrées. Tout est organisé pour préserver le secret des sujets mais aussi l'égalité entre les étudiants. Les épreuves consistent en cinq stations, soit cinq scénarios reproduisant une situation clinique. Au total, cela représente "seulement" cinquante minutes d'examen pour chaque étudiant. Mais la mobilisation dure en réalité bien plus longtemps. "Nous convoquons les étudiants en session du matin ou de l'après-midi. Ils attendent dans une salle avant de passer, suivent l'un des trois parcours que nous avons prédéfinis. Une fois leur parcours achevé, ils doivent patienter dans une autre salle… Tout cela sans téléphone bien sûr", détaille la Dr Mathilde Delebarre, responsable des enseignements de cinquième année et responsable suppléante des Ecos nationaux. Les trois circuits permettent de faire passer quinze étudiants en simultané mais aussi et surtout de cloisonner. Impossible pour les candidats de se livrer des informations sur l'épreuve ni même de communiquer. "Cet isolement est un peu long. C'est le plus dur, d'être enfermé et d'attendre", confie une étudiante. "Les étudiants du matin ne sont "libérés" que lorsque ceux de l'après-midi sont déjà dans leur salle d'attente. Même l'accès aux toilettes a été pensé", souligne aussi Mathilde Delebarre. Cette organisation méthodique demande la mobilisation de plus d'une vingtaine de personnes pour la faculté.

Pour éviter que les groupes d'étudiants se croisent et communiquent entre les stations, la faculté met en place deux circuits distincts. (Clémence Nayrac/Hospimedia)
Pour éviter que les groupes d'étudiants se croisent et communiquent entre les stations, la faculté met en place deux circuits distincts. (Clémence Nayrac/Hospimedia)

Toute la journée, quand retentit le signal, un ballet de blouses blanches se presse dans les larges couloirs de la faculté. Des petits groupes circulent à bons pas, guidés de salle en salle par un surveillant. En deux minutes, ils doivent rejoindre la station suivante. Chacun se place ensuite devant la porte jusqu'au nouveau gong, qui donne le coup d'envoi des huit minutes d'épreuves. Au programme ce 13 juin, des situations cliniques, dans diverses spécialités : de "l'hémato", de la médecine interne, de la pédiatrie, de la gériatrie ou encore de la réanimation. Du concret donc, qui vise à évaluer les futurs médecins sur leur manière d'être auprès du patient et leur aptitude à mobiliser les bonnes compétences et connaissances au bon moment.
C'est très important d'avoir une évaluation qui n'est pas "écrite". On peut voir la communication de l'étudiant avec le patient. Certains sont à l'aise, expliquent très bien, d'autres on le voit, sont très stressés.
Dr Alexandre Chaumont, examinateur
Derrière la porte attendent deux examinateurs et parfois, en fonction de la station, un patient standardisé. C'est le cas dans deux scénarios ce jour-là. "Il est très important d'avoir une évaluation qui n'est pas "écrite". On peut voir la communication de l'étudiant avec le patient. Certains sont à l'aise, expliquent très bien, d'autres on le voit, sont très stressés", constate le Dr Alexandre Chaumont, médecin généraliste et enseignant à la faculté.

Outre les patients standardisés, dans certaines stations, ce sont les enseignants eux-mêmes qui jouent les patients et évaluent en même temps. (Clémence Nayrac/Hospimedia)
Outre les patients standardisés, dans certaines stations, ce sont les enseignants eux-mêmes qui jouent les patients et évaluent en même temps. (Clémence Nayrac/Hospimedia)


"C'est aussi très intéressant pour nous cette manière d'évaluer, de voir les étudiants dans un autre contexte", complète la Dr Ahlem Bouazza, pédiatre et également évaluatrice. Pour évaluer les futurs professionnels, les grilles préparées sont précises et les attendus clairs. Les évaluateurs ont été formés à ces grilles de manière à évaluer le plus objectivement possible, y compris sans orienter ou interrompre le cheminement de l'étudiant. Dans cette optique également, les candidats ont reçu un numéro et l'épreuve se déroule de manière anonyme. C'est d'ailleurs l'une des appréhensions de ceux interrogés en marge de ces examens. "J'ai fait pas mal de gardes récemment donc je connais certains enseignants mieux que d'autres. Face à quelqu'un qu'on connaît on se dit qu'il y aura peut-être de la subjectivité car ces personnes nous ont déjà croisés sur le terrain. Il y a le risque que les exigences soient différentes, ce peut être une appréhension", confie par exemple Célia Lebeaupin.

Dans un souci d'égalité entre les candidats, chaque étudiant dispose d'un numéro et d'un badge anonymisé. (Clémence Nayrac/Hospimedia)
Dans un souci d'égalité entre les candidats, chaque étudiant dispose d'un numéro et d'un badge anonymisé. (Clémence Nayrac/Hospimedia)

Un entraînement avant l'épreuve classante

Pour ces jeunes, habitués jusqu'à présent à être évalués à l'écrit, cette expérience est une nouveauté qu'il faut apprendre à gérer. "On est habitué à l'écrit, aux questionnaires à choix multiples. Là tout doit venir de nous. Nous avons déjà passé un Ecos en octobre dernier, c'est très déstabilisant car nous n'avons pas de réponse en face de nous, pas de réaction. Il est difficile de savoir à la sortie si on a rempli tous les critères de la grille", explique par la suite Célia Lebeaupin, étudiante en cinquième année.
On est habitué à l'écrit, aux questionnaires à choix multiples. Là tout doit venir de nous. Nous avons déjà passé un Ecos en octobre dernier, c'est très déstabilisant car nous n'avons pas de réponse en face de nous, pas de réaction.
Célia Lebeaupin, étudiante en cinquième année de médecine
Si l'épreuve s'approche au maximum du réel, elle présente tout de même une différence avec l'exercice médical : "en cabinet ou à l'hôpital si on doute un peu, on peut réviser", plaisante Victoire Nicolas. "Dans la réalité, il y a aussi les collègues. Même aux urgences, avant de voir un patient, on peut se préparer. Il n'y a pas dans la vie réelle ce sentiment d'isolement face à une situation", poursuit-elle. Cette épreuve demande aussi une bonne capacité d'adaptation. "Il faut passer d'une spécialité à une autre, ça a l'avantage d'être concret, mais cela demande de maîtriser un panel plus large de situations cliniques. Si on "rate" une épreuve, il faut aussi savoir rebondir et se reconcentrer pour celle d'après", ajoute l'étudiante. Au-delà des appréhensions, les candidats reconnaissent aussi le bien-fondé et l'utilité de l'exercice. "C'est un bon entraînement qui nous met dans des situations cliniques variées", résume enfin Victoire Nicolas.

Deux étudiantes se concentrent avant d'entrer dans la station, qui durera précisément huit minutes. (Clémence Nayrac/Hospimedia)
Deux étudiantes se concentrent avant d'entrer dans la station, qui durera précisément huit minutes. (Clémence Nayrac/Hospimedia)

Des patients très impliqués

Au détour d'un couloir, la salle de pause des patients standardisés dégage une atmosphère moins fébrile. À l'abri des regards et des contacts, deux figurants profitent d'une courte pause pour boire un café ou feuilleter un magazine. Jean-Claude Morel et Laurent Lefebvre sont des habitués.
C'est intéressant, à mon âge, de rester un pied dans la société, d'apporter ma contribution à la formation des jeunes.
Jean-Claude Morel, patient standardisé
"Nous sommes déjà venus en mars. Au départ, j'ai simplement répondu à un mail, que j'ai transmis à mon ami, puis nous avons passé un entretien et nous voilà !" sourit Jean-Claude Morel. Tous deux se sont entraînés mutuellement dans cette aventure attirés par la finalité : "C'est intéressant, à mon âge, de rester un pied dans la société, d'apporter ma contribution à la formation des jeunes, qui auront peut-être la malchance de me soigner un jour", confie-t-il. Tous deux ont appris, cette fois-ci, le même scénario. "Les entretiens permettent d'en savoir plus sur le patient, nous leur attribuons aussi leur scénario en fonction de leur vécu, pour leur éviter des situations qui peuvent être source de souffrance", explique Mathilde Delebarre. "Nous sommes bien préparés en amont, avec vraiment cette attention particulière au fait de ne pas avoir été soi-même ou un proche sujet de ces scénarios. Je n'ai pas particulièrement de pression mais je prends cet exercice au sérieux. Je travaille moi-même dans l'accompagnement, c'est donc aussi pour moi une expérience sociologique", poursuit Christine Protin, patiente standardisée qui a également participé aux Ecos nationaux en répondant à une annonce sur les réseaux sociaux.

Les patients standardisés révisent leur rôle, détaillé dans une grille précise, avant de rejoindre la station, où les étudiants passent l'examen. (Clémence Nayrac/Hospimedia)
Les patients standardisés révisent leur rôle, détaillé dans une grille précise, avant de rejoindre la station, où les étudiants passent l'examen. (Clémence Nayrac/Hospimedia)

Parfois, ce sont aussi des paramédicaux qui sont mis à contribution. "Ce n'est pas le cas aujourd'hui mais nous recrutons parfois des paramédicaux standardisés. C'est parfois difficile pour une infirmière expérimentée de ne pas intervenir quand elle voit que le "médecin" ne prend pas le bon chemin…", ajoute Mathilde Delebarre. Le groupe de patients a aussi eu quelques jours plus tôt une formation aux airs de répétitions générales. Aiguiller les étudiants sans trop en dire, se contenter de répondre à chaque question sans tendre de perche et ne pas sortir du scénario établi. L'exercice est rigoureux et les acteurs du jour prennent leur rôle très à cœur : "on a de la chance d'être ensemble parce qu'on répète en chemin, cela nous permet de réviser", témoigne Laurent Lefebvre. Mais, déjà, il est temps de retourner à la station "gériatrie". Ce 13 juin, la porte de la faculté catholique de Lille s'est refermée à 18 heures sans encombre, ni pour les patients ni pour les étudiants.
La faculté de médecine de l'université catholique de Lille organise des Ecos depuis 2018. (Clémence Nayrac/Hospimedia)
La faculté de médecine de l'université catholique de Lille organise des Ecos depuis 2018. (Clémence Nayrac/Hospimedia)


Retour sur les Ecos nationaux

Les 28 et 29 mai, 130 futurs internes de la faculté de médecine et de maïeutique de l'université catholique de Lille ont passé les premiers Ecos nationaux. Des épreuves qui se sont "bien passées", assure Mathilde Delebarre. "Nous n'avons pas eu de problèmes notables, à part quelques soucis de serveurs, mais cela a pu être rétabli rapidement. Et nous avions prévu des grilles papiers donc cela n'a pas posé de problème particulier", raconte-t-elle. Certains patients standardisés ont aussi fait défaut le jour J. Des désistements de dernières minutes ont été envisagés et la faculté a recruté plus de patients que nécessaire. Cela n'a donc pas non plus eu d'impact sur l'épreuve.

Clémence Nayrac

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